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12 mars 2021

Au lycée, ils racontent le génocide des Tutsis




Classe de 2nde 10


[ PRESSE ] Ce vendredi 12 mars 2021, Nicolas et son père Emmanuel Gihana, ainsi qu’Augustin Ntarindwa, sont venus de Nantes et Rennes pour échanger avec des élèves de seconde du lycée Charles-de-Gaulle, à Vannes (Morbihan). À travers leur témoignage, ils ont transmis une part de leur histoire.
 
« Il faut un moment de préparation mentale. Refaire le film dans sa tête. On ne le revit pas. Mais ça revient en tête. »Assis sur un fauteuil au fond de la salle des profs, Augustin Ntarindwa attend la fameuse sonnerie. Celle qui donnera le top départ vers la classe de seconde 11. Ce vendredi, le trentenaire est venu de Rennes jusqu’au lycée Charles-de-Gaulle, à Vannes, pour parler du génocide perpétré en 1994 à l’encontre des Tutsis, au Rwanda. Il est venu avec les Nantais Nicolas et son père Emmanuel Gihana, également Tutsis. Tous trois ont évoqué ces massacres, tout au long de la matinée.

Au moment de leur entrée en salle, le brouhaha s’arrête net. Chaque jeune a devant lui une longue liste de questions. « Votre venue est une chance, lance le professeur de français Pascal Le Bert. Cela fait trois mois que nous travaillons sur ce sujet pour Étonnants voyageurs. » Dans le cadre du festival, les élèves planchent sur le livre de Mukasonga, Notre-Dame-du-Nil« Ce n’est pas facile de travailler sur une question comme celle-là. »
 
« J’ai perdu mes parents »
Le témoignage d’Augustin Ntarindwa vient rendre d’emblée ce génocide tragiquement réel pour ces adolescents. « J’avais presque 6 ans lors du génocide. J’ai perdu mes parents, trois sœurs et d’autres membres de ma famille », résume cet ingénieur en informatique.
Puis, élèves et intervenants abordent la question du pardon et de la justice. « Il n’y a pas eu de pardon collectif », souligne Emmanuel Gihana. Il évoque les Gacaca, ces tribunaux populaires en place de 2002 à 2012.
 
La cohabitation imposée
« Le pays était dévasté et sans corps judiciaire, mais il n’était pas pensable de vivre sans le jugement de ces crimes. » Près de deux millions de Hutus ont été jugés.
Un premier pas vers la réconciliation, dans un pays qui a imposé la cohabitation dès la fin des massacres. « On nous a forcés à vivre ensemble. Un jour, j’ai demandé à un camarade d’école où était son père. Il m’a répondu en prison, pour avoir tué des gens. J’ai compris… mais notre amitié ne s’est pas arrêtée là »,raconte avec pudeur Augustin Ntarindwa.
Il évoque aussi ce procès à Paris, ou deux anciens maires de son village ont été jugés. « Ils n’ont manifesté aucun remords. Leurs enfants soutenaient qu’ils étaient innocents. Cela pose question. »
Les élèves se sont aussi interrogés sur l’épineuse question des justes. Ces Hutus qui n’ont pas tué et ont protégé des Tutsis. « C’est complexe… », assure le trio. Augustin Ntarindwa se souvient de ce voisin et sa famille qui l’ont caché avec sa sœur. « Ils habitaient en face de chez nous. Tous les jours, il partait tuer des Tutsis. »
 
« Devant les yeux du monde »
Pas un mot dans la salle. Pas un regard lointain. Les adolescents ne perdent pas une parole. Même quand de difficiles questions internationales sont évoquées. « Je ne comprends pas comment ces tueries massives ont pu se passer en pleines journées, devant les yeux du monde, pendant des semaines », confie Augustin Ntarindwa….
                                                                                 Artcle paru dans le journal Ouest-france du 13/03/2021, écrit par Mélanie Bécognée